Search
Close this search box.

Les marchés internationaux du carbone représentent une grande opportunité de développement pour les pays africains, écrit Anyssé Kenfack Ngnintedem*.

Les marchés internationaux du carbone, plus spécifiquement le régime de compensation des émissions de CO2 dans le secteur de l’aviation civile internationale (CORSIA), représentent une grande opportunité pour les pays africains. Ils permettent non seulement aux pays développés de compenser leurs émissions, mais également de contribuer au développement des pays les moins avancés, en particulier les pays africains, dans divers secteurs tels que les énergies renouvelables, la gestion des déchets, l’éducation, et la santé, etc.

En 2019 et en prélude à la 25ème Conférence des Parties (COP25) sur le climat, plus de 175 organisations de la société civile actives à travers l’Afrique et sous l’initiative du Réseau Africain sur le Carbone et les Changements Climatiques (RACCC), ont adressés une lettre ouverte à l’African Group of Negotiators (AGN) en faveur d’un plaidoyer pour l’obtention d’un accord climatique international ambitieux, juste et équitable, visant à maintenir le réchauffement climatique à 1,5°C.

L’objectif principal de la lettre visait à adresser des demandes susceptibles d’améliorer le nouveau mécanisme de marché du carbone de l’Article 6 de l’Accord de Paris à savoir le Mécanisme de Développement Durable (MDD) ; ces demandes ont portés sur quatre points à savoir :

  1. Ne pas accepter l’utilisation de crédits du Mécanisme de Développement Propre (MDP) post-2020, et réévaluer tous les projets MDP avant qu’ils ne soient transférés sous l’article 6.4 de l‘Accord de Paris.
  2. Adopter des règles comptables robustes pour éviter le double comptage, notamment par l’application d’ajustements correspondants pour toutes les unités transférées sous l’Article 6 de l’Accord de Paris. Ceci doit être appliqué quel que soit l’origine en dedans ou en dehors d’une Contribution Déterminé au Niveau National (CDN), ou l’utilisation (envers un objectif CDN, une obligation sous CORSIA, ou autre) d’un crédit carbone. 
  3. Soutenir l’application d’un taux d’annulation partielle des crédits transférés sous l’article 6, afin d’augmenter le nombre de projets mis en place.
  4. La mise en place de règles relatives à la consultation des populations locales et d’un mécanisme de plainte gouverné par un organe indépendant au niveau de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).

Alors que le rideau vient de tomber sur la 26ème Conférence des Parties (COP26) sur le climat, le MDD a été adopté en autorisant un transfert de crédit des projets MDP, et un grand vide sur la question des droits des communautés riveraines et peuples autochtones, rendant une fois de plus les pays africains vulnérables face à ces marchés. 

Pour les pays africains et en particulier auprès des différentes parties prenantes tels que les administrations, le secteur privé, les organisations de la société civile, etc., les marchés internationaux du carbone sont encore des concepts nouveaux, lourds et difficiles à comprendre ; c’est pourquoi, leur prise en compte dans les politiques climatiques en Afrique reste très limitée. Dans les marchés précédents développés sous le protocole de Kyoto tel que le MDP, on note environ 2.8% de projets développés en Afrique (avec un transfert de connaissance limités), ce qui est insignifiant. Pour rendre ces marchés accessibles et bénéfiques pour nos Etats et les communautés locales, il est important d’amplifier la dynamique autour de ces marchés à travers :

  1. Le renforcement des capacités opérationnelles et stratégiques de nos Etats.
  2. Le plaidoyer pour l’obtention des règles comptables justes et équitables dans les marchés internationaux du carbone, ainsi que l’obtention des quotas minimum pour l’achat des crédits carbones sur des projets développés en Afrique.
  3. L’accompagnement de nos Etats dans l’élaboration des documents stratégiques et réglementaires,
  4. L’appui au développement des projets effectifs, pouvant générer des crédits carbone.

Afin de tirer des leçons des insuffisances qui ont été notées dans  la mise en œuvre des projets MDP et de s’assurer que le nouveau mécanisme MDD soit plus efficace dans la promotion du développement durable, il est donc question, entre autres, de  fixer au niveau international :

  1. Des règles détaillées garantissant la participation des populations locales et des organisations de la société civile pendant les phases de conception et de mise en œuvre des projets MDD.
  2. Des critères incitatifs et contraignants pour encourager la mise en place des projets MDD en Afrique.
  3. Des mesures pour que les crédits carbone issus du Protocole de Kyoto ne soient pas éligibles après 2020.
  4. Des mesures pour contraindre les pays émetteurs des gaz à effet de serre de réduire de manière effective leurs émissions.
  5. Des mesures pour la simplification des procédures pour l’accès au financement prévu pour le fond vert climat.

Afin d’apporter sa contribution pour inverser la situation, l’Association Camerounaise pour le Développement, l’Entraide Sociale et la Protection de l’Environnement (ACDESPE),  à travers le RACCC, a organisé depuis 2019 une série d’ateliers et de webinaires de renforcement des capacités des différentes parties prenantes sur les politiques climatiques internationales, en particulier le CORSIA. Un atelier africain et deux webinaires ont déjà été organisés à ce jour, avec l’appui technique et financier des ONG Carbon Market Watch et Gold Standard. Plusieurs développeurs de projets sont également coachés en ce moment.

 

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur, et ne reflètent pas forcément les positions de Carbon Market Watch.

______

* Anyssé Kenfack Ngnintedem est un chercheur en economie verte et président d’ACDESPE, en Cameroun.

Author

Related posts

Join our mailing list

Stay in touch and receive our monthly newsletter, campaign updates, event invites and more.