Les projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole, en particulier ceux visant à accroître la séquestration du carbone dans les sols, sont de plus en plus liés à des mécanismes de compensation carbone. Pourtant, ces initiatives présentent de nombreux risques.
D’abord, les mécanismes agricoles de compensation risquent de nuire aux agriculteurs. Certaines initiatives mettent en danger la sécurité alimentaire et restreignent l’autonomie des agriculteurs en incitant l’adoption de pratiques agricoles spécifiques, ou en transformant les terres cultivées en plantations d’arbres. Ce type de projets accroit également la financiarisation des terres, et avec celle-ci les risques d’accaparement.
L’impact climatique de ces initiatives de compensation est également douteux. L’incertitude est grande autour des outils permettant de quantifier les réductions d’émission, et les résultats des projets sont susceptibles d’évoluer au fil du temps, par exemple quand le carbone stocké dans les sols est relâché dans l’atmosphère en raison d’aléas climatiques ou de changements dans l’usage des terres. Par ailleurs, certains projets, en mesurant l’intensité carbone des produits agricole au lieu de mesurer les émissions absolues de l’ensemble de l’activité agricole. Ils génèrent des crédits carbone quand bien même ils risquent d’accroitre les émissions.
Enfin, les mécanismes de compensation carbone tendent à verrouiller les modèles agricoles industriels qui nuisent à l’atténuation et à l’adaptation climatique. Ces mécanismes ont un coût élevé et risque de détourner les décideurs politiques de la mise en œuvre d’alternatives plus soutenables, moins coûteuses et prouvées, comme l’agroécologie. De plus, presque tous les projets visent à réduire les émissions au niveau de l’exploitation agricole alors que les GES pourraient être réduits bien plus fortement en ciblant les pratiques climaticides en amont et en aval de la chaîne d’approvisionnement, pratiques dont les bénéficiaires de ces marchés carbone sont souvent eux-mêmes responsables. (déforestation,
production de pesticides et d’engrais de synthèse, etc.).