Communiqué de presse: Les dirigeants européens concluent un accord sur le climat aux dépens du climat lui-même et des contribuables

24 octobre 2014, Bruxelles. La décision adoptée aujourd’hui de fixer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030 est contaminée par les quotas d’émissions d’air chaud qui dilueront la réduction effective et la ramèneront à 31%.  Les dirigeants de l’UE se sont aussi mis d’accord sur de nouvelles options d’échange des quotas qui font l’impasse sur l’adoption de mesures d’atténuation nécessaires dans des secteurs importants comme les transports ou la construction. Dans le même temps, les subventions accordées aux industries manufacturières sous la forme de permis de polluer gratuits pourraient atteindre 300 milliards d’euros sur la période 2021-2030.

Au cours de la réunion de ce jour, les chefs d’État de l’UE ont adopté de nouveaux grands objectifs : un objectif contraignant au niveau de l’UE visant à porter la part des énergies renouvelables à 27%, un objectif indicatif d’au moins 27% en matière d’efficacité énergétique, et un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici à 2030.

Les dirigeants de l’UE ont décidé que le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SEQE-UE) associé à une réserve de stabilité du marché « serait le principal instrument européen » pour atteindre l’objectif de 40% sur le climat, mais ils n’ont pas demandé la suppression définitive des permis d’émissions excédentaires de plus de 2,6 milliards de tonnes accumulés d’ici à 2020.

Pour Femke de Jong, Policy Officer chez Carbon Market Watch, « en autorisant l’échange de droits fantômes à polluer contre de réelles réductions des émissions, les dirigeants de l’UE permettent que l’air chaud de l’Europe affaiblisse son objectif sur le climat à l’horizon 2030 et n’ont au final convenu que d’un objectif de 31%. »

Contrairement à l’objectif existant sur le climat à l’horizon 2020, le nouvel objectif pour 2030 n’autorise pas à recourir à des compensations internationales des émissions obtenues dans les pays en développement. Pour compenser le manque de flexibilité internationale, les dirigeants de l’UE ont adopté plusieurs options d’échange à l’intérieur de l’UE : 1) l’échange de quotas d’émissions entre États membres de l’UE dans des secteurs qui ne relèvent pas du SEQE-UE, comme les transports, la construction, l’agriculture ou les déchets, aussi appelés compensations intérieures ; 2) la compensation des réductions d’émissions dans les secteurs ne relevant pas du SEQE par des quotas au titre du SEQE-UE.

Mme de Jong a ajouté que « si les compensations intérieures peuvent être utiles pour stimuler la réduction des émissions dans les pays plus pauvres de l’UE, il est contre-productif d’autoriser l’utilisation de quotas au titre du SEQE pour réduire les émissions dans les secteurs qui ne relèvent pas du SEQE. Cela réduit la demande de compensations à l’intérieur de l’UE et gaspille des ressources publiques limitées pour l’achat de quotas d’émissions d’air chaud auprès des entreprises. »

Les dirigeants de l’UE sont aussi convenus de continuer à distribuer gratuitement des permis de polluer à l’industrie et ne se sont pas prononcés sur la question de savoir si le montant total des quotas gratuits disponibles serait plafonné à l’avenir. Le prix moyen du carbone étant de 30€ et le montant des quotas qui seront distribués gratuitement sur la période 2021‑2030 étant estimé entre 6,3 et 10,3 milliards de tonnes, cela pourrait donner lieu à une subvention totale de 190-300 milliards d’euros.

Femke de Jong a observé que « la décision de ce jour n’a pas grand-chose à voir avec l’objectif de garantir un avenir propre et durable pour les citoyens européens. Il s’agit une nouvelle fois d’un paiement par les contribuables européens pour compenser la pollution de l’industrie. Par ailleurs, les pionniers en matière d’efficacité énergétique repartent pratiquement les mains vides. »

Les dirigeants de l’UE ont ménagé une possibilité d’augmenter l’engagement de l’UE après le sommet sur le climat qui aura lieu à Paris l’année prochaine et au cours duquel devrait être conclu un traité international sur le climat pour remplacer le Protocole de Kyoto.

Selon Eva Filzmoser, directrice de Carbon Market Watch, « le rôle de leader que jouera l’UE au plan international dépendra de l’adoption de mesures significatives pour augmenter les ambitions avant le sommet de Paris sur le climat l’année prochaine, y compris au moyen de nouvelles propositions législatives visant à mettre fin aux failles et aux subventions inutiles existantes dans les politiques de l’Europe sur le climat et l’énergie pour l’après 2020.

FIN.

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Renseignements à l’intention des journalistes :

  • Lien vers la décision du Conseil (en anglais).
  • La subvention de 190-300 milliards d’euros accordée à l’industrie a été calculée sur la base d’un prix moyen du carbone de 30€/tonne d’équivalent CO2 et d’une distribution de quotas gratuits de 6,3 à 10,3 milliards de tonnes au total sur la période 2021‑2030 (selon que le facteur de correction restera en vigueur ou non). Des quotas d’environ 6,3 milliards de tonnes seront distribués gratuitement sur la période 2021‑2030 si la situation actuelle n’évolue pas, c’est-à-dire lorsqu’on projette les facteurs de correction transsectoriels jusqu’en 2020. Les dirigeants de l’UE ont décidé qu’à l’avenir, les quotas gratuits devraient également couvrir les coûts indirects, sans se prononcer sur la question de savoir si le facteur de correction devrait rester en vigueur. Ecofys (2014) a montré que si le facteur de correction était supprimé et que si l’industrie était également dédommagée pour les coûts indirects, celle-ci recevrait, pour la période 2021‑2030, 4 milliards de tonnes de quotas d’émissions gratuits en plus de ce qu’elle reçoit actuellement au titre des règles relatives aux fuites de carbone.

 

Coordonnées:

Eva Filzmoser

Carbon Market Watch, Director

Tél. : +32 499 21 20 81

[email protected]

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